Décembre au Mali

QUIMPER, le 25 Décembre 2002 

Mon cher président,

Tu m'as demandé de relater dans les colonnes de notre association SÉGOU-BREIZH mon dernier séjour à BAMAKO du 20 Novembre au 15 Décembre dernier. 

Avant de me lancer, laisse moi tout d'abord exprimer ma grande tristesse devant la fièvre consommatrice qui agite nos compatriotes, devant cette débauche de " bouffe " qui se retrouvera dès demain dans nos poubelles. Certes une telle constatation peut paraître quelque peu déplacée en cette période de fête, mais devant cet appétit de posséder toujours plus, je ne peux m'empêcher de penser à ces enfants des rues, qui tard dans la nuit errent dans les rues de BAMAKO, à la recherche de quelques ' jetons ' ( en clair la petite monnaie) dont la perception leur permettra d'obtenir un quignon de pain et leur évitera de se faire battre par leur marabout. Telle est la réalité et il faut rappeler cette situation, secouer les esprits pour tenter de ramener notre société à une vision plus solidaire.

Mais par peur de passer pour un rabat-joie atrabilaire, je vais arrêter là mes propos de vieux soixante huitard et enfin passer à l'essentiel de cette missive.

1°) Volet Médical: 

Destiné à mettre en pratique le protocole d'accord établi en septembre dernier avec le Docteur MAÎGA, ce séjour, le 3ème de cette année, s'est avéré riche de contacts intéressants.

Plantons d'abord le décor : BAMAKO est une mégalopole de maintenant 1 million d'habitants.
Les soins à la population, dont ne peut bénéficier que 15% de la société ( les 85% restant ne pouvant se soigner par manque d'argent ), sont assurés dans la capitale par 2 grands hôpitaux, le CHU du Point G, au nom quelque peu curieux, et l'hôpital GABRIEL TOURÉ.Tous deux sont situés sur la rive gauche du NIGER.

Or la rive droite, en pleine expansion démographique, ne dispose, à part quelques centres de santé communautaire (CESCOM) aux moyens limités, que de l'hôpital de la COMMUNE 5.
Celui ci, simple dispensaire au départ, s'est développé grâce à l'engagement de tous les instants de son médecin chef, le Dr Boureima MAIGA.
Ce qui m'a plu chez lui, c'est son sens de l'éthique médicale, lui faisant dire qu'à la porte de son hôpital personne ne devait mourir du fait d'une absence de moyens financiers. Ceci mérite d'être souligné, car travaillant depuis de nombreuses années au Mali, c'est bien la première fois que j'enregistre de tels propos.
L'autre aspect intéressant du personnage est son talent d'enseignant, sa grande faculté pour insuffler à ses étudiants en médecine, outre son savoir médical, ce désintéressement et ce sens de l'intérêt du patient.

En semant de telles idées l'on peut espérer que la récolte prochaine sera bonne.

IL NOUS FAUT DONC AIDER CET HOMME, car ses moyens sont limités, matériel chirurgical simpliste, infrastructures dérisoires.

C'est ainsi que, lorsque nous, chirurgiens européens habitués à travailler dans un cadre hyper sophistiqué, sommes amenés à œuvrer dans de telles conditions, c'est toute une nouvelle médecine qu'il nous faut réapprendre :

  • Oopérer avec une lumière restreinte,
  • Calculer à l'économie nos fils de suture,
  • Trouver des astuces pour pallier au manque de consommables, car la simple lame de caoutchouc n'existe pas ici.

Devant certaines de mes remarques et de mes difficultés, le Docteur MAÎGA a souri, me rappelant que pendant longtemps il a réalisé ses césariennes en s'éclairant d'une simple lampe de poche.

Nous arrivons convaincus de notre savoir d'occidentaux et l'on nous réapprend rapidement l'humilité.

Pour revenir à cet hôpital, il est maintenant devenu, par la qualité des soins qui y sont dispensés, un centre de référence sur lequel sont dirigés tous les cas obstétricaux à risque, éclampsie, hypertension artérielle en cours de grossesse, accouchements dystociques.

Son renom est tel que s'y pratiquent 5000 accouchements par an, chiffre considérable si l'on se rapporte aux statistiques de nos grandes maternités qui assurent au mieux 2000 naissances annuelles.

Hormis cette activité obstétricale, on relèvera une forte activité du bloc opératoire en chirurgie gynécologique, des consultations d'ophtalmologie, un service de radiologie.
Pour mémoire, l'échographe de cette unité est en panne depuis de nombreux mois et le matériel proposé par nos amis brestois de 'SOLIDARITÉ SANTÉ' sera le bienvenu, dès que les problèmes de transport par container seront résolus.

Un grand merci à ce sujet à notre compatriote Vincent BOLLORÉ qui, par le biais de sa filiale de transports maritimes DELMAS, nous a assuré de son soutien.

Mon activité médicale s'est effectuée le matin de 9 heures à 13 heures : discussion avec les étudiants et internes qui assurent les gardes, analyse critique des diagnostics et des thérapeutiques.
J'ai pu noter leur sens du dialogue, leur aisance dans la parole, leur respect de l'autre, leur ardeur à apprendre, à découvrir notre 'nouveau' monde.

Signalons à ce propos l'attirance très forte de ces étudiants pour l'Amérique du Nord et le Canada , pays pour lesquels l'obtention d'un visa étudiant est d'obtention aisée. Cette situation est à méditer pour améliorer l'image de marque de notre pays, quelque peu malmenée par une politique plus restrictive.enseignement théorique, dont les pôles d'intérêt avaient été fixés au préalable par les étudiants eux mêmes, enseignement mettant en parallèle nos schémas européens et les possibilités maliennes bien plus limitées. Il n'a jamais été de mon propos de vouloir imposer notre modèle européen, mais plutôt d'adapter nos standards aux possibilités locales. Ainsi à titre d'exemple, il faut savoir que si l'on veut traiter là bas un cancer du sein tout va se résumer à la chirurgie. Il est hors de question d'envisager une radiothérapie post-opératoire pour la simple raison que le pays ne dispose d'aucun centre spécialisé pour ce type de traitement. Tout aussi illusoire est d'envisager une chimiothérapie, car à 500.000 francs CFA (5.000 de nos francs) la séance, quel est la malienne qui pourrait profiter d'un tel traitement, sachant que le SMIG mensuel est de 350 de nos francs. Ceci nous ramène à ma colère de départ.. Chaque société a ses priorités, ici le gavage des oies, là bas la survie.Assistance des internes aux interventions chirurgicales, relativement rares car cette période était celle du Ramadan durant laquelle les patients ne se font guère opérer.

2°) Volet extra-médical: 

Mon cher Michel, tu m'as confié par ailleurs de lourdes tâches pour notre association et malgré un emploi du temps chargé j'ai fait de mon mieux pour te satisfaire. Si tel n'avait pas été le cas, tes nombreux mails rédigés lors de tes insomnies , auraient suffi à me remettre sur les rails..

Je comprends d'ailleurs ton inquiétude, car devant donner du grain à moudre à nos sociétaires lors de l'assemblée de Décembre, il te fallait avoir du tangible. Mais je ne répéterai jamais assez qu'en Afrique tout ne se déroule pas à la même vitesse qu'en Occident. C'est une donnée fondamentale qu'il faut bien intégrer si l'on veut vivre heureux en ce pays, sans s'énerver inutilement.

Parmi les misions qui m'incombaient, il convenait de récupérer en douane les colis de médicaments offerts par SOLIDARITÉ SANTÉ. Grâce aux relations du Dr MAIGA, ont pu être vaincues les barrières administratives qui ralentissaient le processus. Désormais l'on peut être assurés que les difficultés premières ne se reproduiront plus. Cette question a été évoquée avec Mme ATT, épouse du président de la République du Mali, qu'il m'a été possible de rencontrer.

Quant à la commande des pagnes, ceci a été résolu à Bamako, sans qu'il y ait nécessité de se rendre à Ségou. Les chiffres sont connus, le transitaire sera contacté lors de mon prochain séjour et le matériel expédié en vue de notre soirée malienne. Invitation à tous nos amis pour faire en sorte que cette démarche qui a demandé beaucoup de temps, de déplacements et d'appels téléphoniques, débouche sur de nombreux achats. L'argent, toujours l'argent, le nerf de la guerre pour nos petites associations.

Rencontre également avec Jean Louis HERVIEUX d'ANGOULÊME, ville jumelée avec SÉGOU. On s'aperçoit de la multitude des associations investies au Mali, rendant plus que nécessaire la politique de réunion des dits groupements.

Contact a également été pris avec Monseigneur ZERBO, Archevêque de Bamako. Lui a été exposé le module Santé qui est venu se greffer sur SÉGOU-BREIZH. Lui ont été rappelées les demandes du ROTARY - CLUB de Landerneau qui s'est investi dans des opérations de prise en charge scolaire de 2 jeunes enfants devant bientôt être opérés en France par le Dr Francine LECAT, chirurgien cardiaque à l'Assistance Publique de Paris. Une réponse à été apportée à ce sujet à Jean Luc FOURN avec des chiffres précis qui lui permettront de faire avancer son projet.

3°) Et encore....... : 

Merci aussi à Florence QUÉRÉ qui, avec ses amis, a véhiculé jusqu'à BAMAKO une camionnette via le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal et le Mali pour apporter à nos partenaires ce dont ils ont tant besoin.
Dans leur corbeille 10 ordinateurs portables en parfait état de marche qui ont constitué un bon Noël pour, entre autres, le Docteur MAIGA et notre compatriote vendéen le père Jean BUTON dont on ne rappellera jamais assez le dévouement dans le domaine du social, notamment pour l'amélioration du statut social des jeunes employées de maison.

Merci à Michel GAUDICHE, originaire de Vitré, qui m'a fait découvrir le remarquable travail qu'il effectue dans l'ombre depuis plusieurs années. Ses foyers d'accueil pour jeunes provinciales permettent à ces dernières d'être hébergées à Bamako et de pouvoir ainsi continuer leurs études dans la capitale.
Lui aussi court après les subsides. Un geste de soutien à ces personnes, qui au quotidien se battent contre la misère, dans un engagement total, constituerait un encouragement. L'aide se doit d'être apportée aux plus engagés, aux plus méritants

Enfin, n'oublions pas le cadre agréable du SÉGUÉRÉ, maison dirigée par Françoise et Guy, que je remercie pour la qualité de leur accueil .C'est une adresse à recommander pour ceux qui désireraient se rendre là bas.
En voici les coordonnées : 00 223 228 69 08,
e-mail :seguere@hotmail.com
Site internet : http.seguere.free.fr

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4°) Conclusions :

 S'étant effectué dans d'excellentes conditions climatiques ( Décembre et Janvier sont les meilleures périodes climatiques pour nos gènes européens), ce séjour s'est avéré positif à tous égards .En particulier pour la section Santé de SÉGOU-BREIZH, l'aide au Docteur MAÏGA est sur une bonne voie, s'orientant vers un projet pérenne avec un partenaire sérieux et digne de confiance.

A ce sujet, l'un de mes amis à qui j'avais soumis le protocole d'accord signé avec ce praticien m'avait fait la remarque suivante : 'il s'agit d'une coopération unilatérale, aucune contrepartie d'aide n'étant demandé à notre ami malien' ?
Que répondre, si ce n'est qu'il est difficile d'être demandeur près de ceux qui disposent de peu. Tous les efforts ont été faits de leur part pour que ce séjour se déroule aisément avec mise à disposition d'un chauffeur et d'un véhicule pour les déplacements intra-muros, avec de multiples petites attentions qui font qu'en réalité l'on reçoit plus que l'on ne donne.
Cette mission Santé va se prolonger en Janvier prochain par un nouveau séjour de 3 semaines avec 2 infirmiers de notre Association, Anne CRENN-BERTHEVAS et Benoît CHELVEDER. Ils pourront apprécier le sens de l'hospitalité malienne, les nombreuses difficultés de ce pays et la nécessité pour nous de nous y investir.

 

BONNE ANNÉE À TOUTES ET TOUS, 
RENDEZ VOUS DANS QUELQUES SEMAINES. 

B. CHARTON 
( e-mail : cekoroba@wanadoo.fr )